De la gestion prévisionnelle des emplois à la GPEC

Publié le par D.Tahir

        George Egg a souligné que les emplois vieillissent comme les hommes, et parfois beaucoup plus vite[1]. C’est pourquoi les entreprises se retrouvent dans la nécessité de suivre l’évolution des emplois et d’adapter leur effectif et leur organisation en fonction de cette évolution.

 

1.     Aperçu historique sur la gestion prévisionnelle :

Bien que l’on puisse souvent associer la gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) avec la gestion prévisionnelle de l’emploi largement développée dans les années 1980, les préoccupations des entreprises en matière de prévision sont en réalité nettement anciennes. En voici un rapide éclairage historique:

a)     La planification stratégique et gestion prévisionnelle :

 On peut situer des modèles de gestion prévisionnelle dans le domaine social à la fin des années 1960. Ces pratiques s’inscrivent dans la continuité de démarches un peu ancienne de la planification stratégique. Ces dernières résultent d’une conception nouvelle de l’entreprise, considérée comme un système ouvert en interaction avec un environnement de plus en plus complexe et auquel elle devra donc impérativement s’adapter pour survivre. Les modèles de planification stratégique élaborés à partir des années 1950 sont construits autour de trois axes :

ü      L’étude des caractéristiques de l’environnement concurrentiel ;

ü      L’analyse des caractéristiques et des objectifs de l’entreprise ;

ü      La compréhension de l’univers sociétal.

 

Les principaux modèles proposés à cette période (Glimore et Bradenbuerg, et surtout LCAG)[2] reposent sur l’identification d’éléments clefs :

ü      Diagnostic externe (sous la forme des opportunités et menaces que présente cet environnement) ;

ü      Diagnostic  interne : il fait l’inventaire systématiques des ressources, moyens et capacités de l’entreprise ;

ü      Détermination de toutes les possibilités d’action, avec évaluation des avantages, inconvénients, risques et incompatibilités ;

ü       Clarification des valeurs des dirigeants ;

ü      Confrontation des actions possibles avec les objectifs généraux de l’entreprise.

 

Cette approche a été popularisée sous le nom de SWOT ( Strengths/ Weaknesses and opportunitises/ Threatens, c'est-à-dire forces/ faiblesses et ooportunités/menaces : les deux pôles des diagnostic interne et externe) et est devenue au cours de cette période le modèle canonique de l’analyse stratégique.

b)     Emergence de la GPE :

A partir des années 80, on va chercher à promouvoir un management à caractère humain. P. Jardillier propose la définition suivante : «  la gestion prévisionnelle a pour objectif de prévoir les affectations du personnel en fonction des aspirations individuelles et des besoins de l’entreprise. ». Cette définition qui reste large renvoie à la nécessité de recherche une adéquation entre les individus et les emplois.

Cette GPE ne cherche pas à optimiser une GRH en période de croissance, mais à prévenir les crises, suite à des réductions massives d’effectifs (notamment dans la sidérurgie).

c)      L’avènement de la GPEC :

Dans les années 90, les préoccupations en matière d’anticipation sont devenues plus offensives, consistant à doter l’entreprise des meilleurs atouts concurrentiels, en termes de métiers et de compétences spécifiques.

En même temps, les évolutions conjoncturelles se sont traduites par une accélération de la mondialisation des échanges, une transformation des conditions de la concurrence et une mutation sensible du travail. Ceci a fait qu’on a eu une montée en puissance de la notion de gestion des compétences.

 

2.     Les principes de fonctionnement de schéma de base :

a)     Le schéma de base :

Le schéma de base de la gestion prévisionnelle de l’emploi (GPE) constitue le fondement à la fois de la construction et du fonctionnement de ces modèles. Il ne désigne donc pas une pratique en soi, mais sert de guide, de référence pour conduire l’analyse et élaborer des solutions.

La GPE consiste à mettre en évidence des écarts entre l’évolution prévisible de la main d’œuvre de l’entreprise (ressources) et leur affectation aux emplois existants (besoins).

 

Schéma de base de la GPE[3] :

 GPE

  b)     Vertus et limites du schéma de base :

    ü      Les vertus :

-          Le schéma de base favorise une analyse précise de l’existant, c'est-à-dire aussi bien des ressources humaines dont dispose l’entreprise que de ses besoins en emplois.

-          Autorise une utilisation stratégique des données par le directeur des RH, ce qui lui permet de discuter certaines décisions purement économiques et financières et sociales en comité d’entreprise.

-          Il favorise des dosages entre ajustements internes et externes et permet de mieux les articuler les uns aux autres, contribuant ainsi à une meilleure cohérence d’ensemble.

-          Permet, aussi, une méthode intéressante de prévision des conséquences des départs à la retraite.

ü      Les limites (ont conduit à son abandon en 1990) :

-          L’anatomie du modèle est en cause dans la mesure où il s’accompagne de certains présupposés (relatifs à la définition de la stratégie).

-           Absence de prise en compte des réalités sociales et des rationalités propres des acteurs que sont les salariés (exemple : proposition contradictoire avec les attentes du salarié).

-          Le modèle ne prend pas en compte la différenciation de traitement entre catégories de salariés par exemple.

 

3.     Des notions à ne pas confondre : Emploi, fonction, poste et métier 

Cette partie est consacrée à la définition des termes suivants : fonction, emploi, poste et métier.

La fonction est une donnée organisationnelle. Déterminer une fonction, c’est isoler un rôle dans un système de travail. La fonction se définit comme un ensemble de tâches connexes.

L’emploi d’un salarié décrit l’ensemble des fonctions qui lui sont confiées, en partage ou à titre exclusif.

L’emploi type est une notion créée par le CEREQ, qui désigne un ensemble de postes concrets présentant des proximités suffisantes en termes de contenus d’activités et de compétences pour être étudiés globalement. Un emploi type rassemble des postes suffisamment comparables pour être tenus par une même personne. Il est défini selon quatre axes : la technicité, l’information, relations-communication et la contribution économique.

Le poste fait référence à un ensemble d’activités et de responsabilités qui représentent la totalité de la tâche d’un seul employé.

Le métier est un ensemble de savoir-faire professionnels acquis par l’apprentissage (métier de base) ou par l’expérience (qui peut donner l’aptitude à tenir un second métier). Le métier se définit effectivement comme une somme de capacités techniques de travail que possède l’individu. Avoir un métier ne signifie pas  avoir un emploi mais posséder un ensemble de capacité reconnues.

 

4.     Analyse et évolution des emplois :

a)     L’analyse des emplois :

La gestion des emplois débute par une première étape : l’analyse. Un ensemble d’outils et de procédures facilite ce travail, incontournable pour obtenir des descriptions de qualité. En général, les méthodes sont complémentaires. Parmi les méthodes les plus courantes :

ü      L’observation descriptive : elle consiste à demander à un consultant ou à un spécialiste d’observer ce que font un ou plusieurs titulaires d’un même poste. Cette observation est directe, immédiate et effectuée sur le lieu de travail. Elle doit permettre d’enregistrer toutes les opérations réalisées par chaque individu, indépendamment de leur succès.

 

ü      L’entretien : A partir d’une grille d’entretien, on peut interroger les salariés et/ou leur hiérarchie sur le contenu des tâches effectuées.

 

ü      L’agenda des opérations : il s’agit d’une auto-analyse du travail, le salarié devant résumer périodiquement ses activités et les inscrire dans un carnet ou un agenda.

 

ü      Les comités d’analyse et d’évaluation : certainement la plus usitée dans les grandes entreprises, consiste à former un comité pour analyser les postes et démarrer leur formalisation. Les membres du comité utilisent une ou plusieurs méthodes présentées ci-dessus. Lors du travail en comité, la confrontation entre différents titulaires ou entre titulaires et leurs supérieurs permet d’harmoniser les analyses proposées.

 

b)     Evolution  des emplois :

Pour éviter les décalages qualitatifs et quantitatifs et assurer le développement continue des compétences en vue de l’adaptation permanente à des nouvelles situations de travail, les entreprises sont tenues d’anticiper l’évolution de leurs emplois.

- L’évolution quantitative :

Trois méthodes d’évaluation du nombre prévisionnel d’emplois sont pratiquées.

ü      Estimation des besoins par la hiérarchie : une enquête est réalisée auprès des responsables pour savoir leur perception des besoins à 2, 3, 5 et 10 ans, et une consolidation et une validation sont menées au niveau central.

 

ü      Analyse des tendances et des méthodes de régression : des techniques mathématiques permettent une estimation à partir de l’analyse de l’évolution récente et des relations constatées entre certains indicateurs (volume des ventes, durée du travail, changement de technologie, niveaux de produits…) et l’effectif.

 

ü      Intégration d’objectif de productivité : la variable productivité est essentielle pour déterminer les besoins prévisibles. L’entreprise est amenée à fixer des normes prévisionnelles de progression.

 

- L’évolution qualitative :

L’évolution technologique modifie les métiers et crée de nouveaux métiers. Du coup, il faut évaluer l’incidence des nouvelles technologies sur les emplois existants et sur les nouveaux emplois, en cerner les conséquences sur les définitions des fonctions, d’emplois et sur les postes.

En général, les entreprises optent pour des cartes prévisionnelles d’emplois, comme elles peuvent recourir au Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois (ROME) élaboré dans les années 70 et rénové en 1993 (peu utilisé).

Les modèles centrés sur l’emploi à partir des années 80 ont été élaborés dans un contexte économique peu porteur. Ils consistaient essentiellement en des moyens d’action destinés à limiter les méfaits des destructions d’emplois, surtout industriels, liées au développement massif de l’automatisation puis des nouvelles technologies. Pendant plusieurs années la gestion prévisionnelle a concerné les emplois des ouvriers, avec la mondialisation et la libéralisation des échanges les entreprises sont passées à l’offensive en matière d’anticipation, et désormais même les cadres et les personnels qualifiés sont concernés par ces démarches.

 

Par ailleurs, les évolutions conjoncturelles se sont traduites par une accélération de la mondialisation des échanges, une transformation des conditions de la concurrence et une mutation sensible du travail. Ceci a fait qu’on a eu une montée en puissance de la notion de gestion des compétences. Pour autant on ne peut pas dire que la gestion prévisionnelle des compétences a supplanté la gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs, car il s’agit juste d’une autre manière d’aborder la question de l’anticipation.

 



[1] D’après Jean-Marie Peretti, « Ressources humaines », Vuibert, 11ème édition ;

[2] Du nom de leur auteurs Learned E., Christensen C., Andrews K., et Guth W., Professeur à la Harvard Business School, d’après Allouche J., Shmidt G., « Les outiles de la décision stratégique ». Paris La découverte, Coll, Repères, 1995, p. 15 et suivantes.

[3] D’après Mallet L, « Gestion prévisionnelle de l’emploi et des ressources humaines », Paris, Editions Liaisons, 1991.

Publié dans GRH

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C
WOuah, Génial et instructif.???? ????
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E
aller c'est partit ! tu régale
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V
je suis plus chaud pour une raclette ou fondu a toi de voir
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E
victor tacos a midi ?
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V
chut je lis
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